L’ESSENCE DE LA VOIE
MACHETTE : C’est marrant de se dire que deux traditions qui semblent à priori si éloignées puissent trouver tant de points de rencontre. Comme si au final, les Voies qui mènent à l’essence de l’être humain n’en formaient qu’une…
Ce que je constate, c’est que n’importe quel chercheur de vérité sera fatalement confronté aux mêmes épreuves, peu importe le chemin ou la discipline qu’il suit. Je suppose que ça revient plus ou moins au truc du Voyage du Héros, avec son lot de rites de passage, d’archétypes, de clés de compréhension et de monstres à buter en cours de route.
Autrement dit, d’une façon moins symbolique, l’odyssée de la conscience en quête d’elle-même. Le Soi qui cherche à s’accomplir. Qu’est-ce que t’en penses ?
SABRE : Je dirais qu’il y a autant de Voies que d’êtres humains. Dans tout réseau routier, il y a des sentiers, des chemins, des pistes, des routes communales, des départementales…
Sur chacune de ces voies, il y a des gens qui avancent et d’autres qui se sont arrêtés pour un temps indéfini. Parmi ces derniers, certains admirent le paysage ou se reposent, d’autres cherchent leur chemin sur un plan, d’autres encore sont en panne, tentent une réparation eux-mêmes ou attendent qu’on les dépanne.
Mais dans un réseau routier il y a également des autoroutes et sur ces autoroutes, il y a un paquet de gens qui filent à vive allure parce qu’ils veulent arriver rapidement à bon port. Nos Voies respectives sont des autoroutes qui rassemblent pas mal de monde et bien qu’il y ait un max de panneaux indiquant des étapes très différentes, nous savons tous les deux qu’elles mènent au même sommet.
Nous ne sommes peut-être pas partis du même endroit mais nos autoroutes viennent de fusionner. Nous voilà sur des Voies parallèles et comme ta caisse noire va à la même allure que ma caisse rouge, nous entamons une course amicale qui nous booste furieusement.
On a tendance à dire que lorsqu’on a vu une autoroute, on les a toutes vues et toi comme moi nous savons qu’il y a une part de vérité dans cette affirmation. Les paysages et le nom des bifurcations changent peut-être mais sinon, on a toujours les mêmes éléments qui les composent : bitume, glissières de sécurité, péages, relais, radars… Les Voies, les quêtes des chercheurs de vérité sont ainsi : à la fois différentes et semblables par les étapes qu’elles impliquent.
Elles demandent de bons véhicules, exigent qu’on crame du carburant, t’obligent à avoir recours à toutes sortes de guides, offrent des aires de repos dans lesquelles on ne peut rester que peu de temps, elles te font « raquer » tes changements de niveaux et t’offrent souvent la possibilité de sortir si tu ne veux plus avancer à vive allure.
Ha oui, j’oubliais : quand tu te crashes sur ces Voies-là, les dégâts sont forcément importants et même souvent irréparables ce qui implique d’être vigilant, en pleine possession de ses moyens et concentré sur la route.
Moi ce qui m’intéresse dans cette analogie, ce sont les conducteurs et leur véhicule. Le type de carburant me fascine également. Je sais qu’on a tendance à dire que seul le chemin compte mais moi, je me prends d’admiration pour ceux qui ont une conduite propre (la vertu), un véhicule aussi solide que rapide (le corps), un carburant performant (l’hygiène de vie) et une confiance inébranlable lorsqu’il fait nuit, qu’il y a du brouillard, de la pluie ou du verglas et que la putain d’autoroute qu’ils sillonnent à une allure constante semble faire des nœuds ou se jeter tout droit dans un précipice (la foi, la volonté).
Ces conducteurs, je m’en inspire, je tente de les suivre comme je peux car ils ouvrent la Voie et comme toutes les Voies mènent de toute façon au même endroit, j’ai envie de dire : chamanisme, arts martiaux, peu importe…
Oui, le chemin compte mais le cheminant compte encore plus car c’est sa manière de cheminer qui fera de lui un « traceur ».
Est-ce que toi, tu as la même approche en ce qui concerne le travail qu’il convient de fournir sur les plans corps-esprit-volonté pour espérer être en mesure de cheminer sur des Voies telles que les nôtres ?
L’arc et la flèche, le Vivant et le symbolisme, les 4 éléments
MACHETTE : Putain, la métaphore de l’enfer ! Tu sais, un pote chaman à moi m’a un jour visualisée comme une F1, avec tout ce que ça implique comme vitesse et délicieux vertige mais aussi comme dérapages incontrôlés… et donc, risque de froissement de tôle à l’arrivée. J’y peux rien, j’aime la conduite sportive. Mais bref, c’est pas tout à fait le sujet.
A vrai dire, je ne serais pas aussi catégorique dans la distinction entre le pilote, le bolide, la conduite, le carburant et l’autoroute elle-même (qui n’est en définitive que le chemin intérieur qu’un être accomplit). Mon approche « chamanique » m’inciterait davantage à visualiser une sorte de fusion entre tous ces éléments.
Ça me fait penser à l’art de l’archer. Un truc que j’ai découvert par moi-même en cérémonie d’Ayahuasca, alors que j’avais jamais touché un arc ou une flèche de ma vie.
Durant cette transe où je travaillais spécifiquement sur mes croyances et la manière de les manifester dans ma vie, mon cœur a commencé à émettre de fortes vibrations, puis mon esprit s’est affiné, condensé jusqu’à devenir une très fine ligne verticale en plein centre de ma tête. Mes mains ont saisi un arc. La flèche était mon intention.
A ce moment-là, mon cœur, mon esprit, mes mains qui tenaient l’arc et tiraient sur la corde en aiguisant ma volonté, l’intention qui me brûlait les tripes, et jusqu’à l’arc et la flèche eux-mêmes semblaient n’être qu’une seule et même chose, fusionner sur une même ligne dont la tonalité était parfaitement accordée à celle de l’univers.
Évidemment, j’ai tiré.
La cible était l’univers. Elle aussi faisait partie du tout. Engager mon être entier de cette façon-là dans l’acte de viser et tirer – qui, une fois de plus, formaient un tout, une continuité – m’est apparu comme l’unique moyen de manifester mon intention dans la matière, car cette intention était véritablement ALIGNÉE, tu vois.
Plus tard, j’ai lu des bouquins sur l’art de l’archerie chez les samouraïs, vécu d’autres expériences chamaniques étranges avec l’arc et la flèche, et surtout j’ai tiré à l’arc pour la première fois de ma vie en ta compagnie, et j’ai découvert que j’avais ça dans le sang et que j’adorais ça, mais surtout, que ma vision faisait entièrement sens !
Cette métaphore de l’archer est intéressante dans le sens où tous les éléments qui composent son équation sont interchangeables ; l’arc peut représenter la droiture allié à la souplesse de celui qui le tient, la corde serait la mobilisation de sa volonté, la flèche son intention, et la cible la réalisation de cette intention dans le monde physique, par exemple. Mais tu peux aussi inverser tous les rapports : la cible devient l’Esprit, la flèche, qui doit être droite, se transforme en alignement, la corde qui vibre et mobilise ta force devient ton cœur, et l’arc est ton pouvoir sur la matière… Tu vois où je veux en venir ?
Mais il y a pour moi un élément qui en revanche, reste fixe dans l’équation.
Le carburant.
Ta vision est tout à fait juste, et dans le chamanisme aussi on fait extrêmement attention à ce dont on se nourrit en termes d’aliments, de pensées, d’énergie. Mais je me demande s’il ne s’agit pas juste de l’huile qui fluidifie le moteur, tandis que le véritable carburant, lui, serait ce que je nomme LA FUREUR !
Bon, c’est naturellement ma vision orientée F1 qui m’incite à voir les choses comme ça, mais j’ai malgré tout le sentiment que ce feu interne (que les Alchimistes nommerait certainement Feu Secret des Sages…) est l’étincelle indispensable pour que tout le reste existe… Ce sans quoi aucun pas dans la Voie n’est possible.
Ce feu n’est ni plus ni moins que le Vivant en toi.
Mais pour qu’il ne s’éteigne pas et grandisse en montant vers le ciel, réchauffe, réconforte, alimente, éclaire (voire illumine), guide et se propage, en bref, pour en faire un véritable moteur dans la quête, on ne peut en effet pas se dispenser d’en prendre soin et de le nourrir, ce feu sacré.
Et pour ça, il y a certaines pratiques corporelles et spirituelles à adopter. Elles constituent une bonne partie du bois qui fera du feu un feu fort et solide, durable, et non pas un simple feu de paille.
Qu’en penses-tu ? Je te renvoie ta question, du coup ! Quel travail doit-on fournir au niveau du corps et de l’esprit pour entretenir le Feu du Vivant en soi ?
SABRE : Tu vois, tes arguments prouvent à quel point ce qui est important dans nos/les Voies, c’est la notion de symbole. Le symbole est le moyen par lequel les mondes subtils communiquent avec nous et par lequel nous communiquons avec eux. Nous passons nos vies à poser toutes sortes d’actes symboliques et recevons des réponses de la vie par des symboles, que cela soit dans le monde visible ou invisible. Un rêve ou une vision peuvent être chargés de symboles mais une situation de vie peut l’être tout autant.
Il arrive fréquemment que nous posions des actes quotidiens complètement désalignés par rapport aux pensées, aux sentiments et aux désirs qui se font sentir à l’intérieur de nous. Ces actes peuvent être inconscients, dirigés par des schémas de fonctionnement très anciens, engendrés par l’obéissance à une autorité supérieure ou encore menés par la peur d’être jugé et rejeté si nous ne faisons pas comme les autres, etc…
D’autres actes peuvent être, au contraire, initiés par des pensées, des sentiments ou des désirs qui s’emparent de notre corps et le possèdent. Qui n’a jamais regretté un geste (ou une parole) dirigé(e) par la colère ? Automatiquement, ces actes entraîneront des conséquences dans ce que la vie nous proposera en retour car dans les mondes subtils, ils ont émis une information dissonante par rapport à ce que nous souhaitons réellement vivre. Si en plus, nous répétons ces actes régulièrement, nous renforçons l’énergie qu’ils déploient et la réponse de la vie sera à la hauteur. Nous sabotons souvent les existences que nous voudrions vivre par des actes dissonants parce que nous n’en mesurons pas la portée symbolique dans les mondes subtils où se construisent les causes.
Tous deux, nous désignons nos Voies respectives comme des Voies du Guerrier. Nous posons donc dans nos pratiques des actes symboliques que nous estimons « guerriers », qui soutiennent des intentions, des désirs et des volontés « guerrières » dans le sens combatif, précis, affuté et constructif du terme. Ces actes sont des informations envoyées à l’univers. Ils se déploient tels des ondes et influencent notre réalité.
C’est une loi du vivant. Nous la connaissons sous le nom de loi de cause à effet. En posant un acte aligné sur une intention forte nourrie d’une puissante volonté et d’un puissant sentiment, nous semons une graine pleine de vie qui deviendra un arbre dont nous récolterons les fruits. Il est donc crucial d’être vigilant en ce qui concerne nos pensées, les sentiments que nous leur associons, les désirs que nous nourrissons et les actes que nous posons au bout de la chaîne.
Celui qui maîtrise l’alignement entre ces différentes sources d’énergie façonne sa réalité mais attention, il doit impérativement respecter des lois en le faisant. S’il choisit de les ignorer par pur intérêt personnel, il n’accompagnera pas les volontés des mondes supérieurs et il devra en payer le prix afin de réparer les déséquilibres engendrés.
Si nous en sommes à rassembler nos expériences, toi et moi, c’est que nous sommes bien au fait que nos Voies nous enseignent prioritairement à nous connaître profondément car on ne peut pas travailler sur l’alignement si on ne sait pas sur quoi s’aligner. Elles nous apprennent ensuite à « maîtriser » nos pensées, nos sentiments, nos désirs et surtout notre corps qui, dans le monde de la matière, est le réceptacle de tout ce joyeux bordel qui est dedans.
Lorsque je dis « maîtriser », il faut d’abord entendre « ne pas en être l’esclave ». Ensuite, avec beaucoup de travail, « maîtriser » signifiera orienter, unir, canaliser.
La distribution du vivant, dans notre monde matériel, est organisée en quatre étapes ou quatre éléments : Feu, Air, Eau et Terre. En passant par ces quatre étapes, l’énergie du vivant se densifie pour se poser sur la Terre. Ainsi, le Ciel et la Terre, le subtil et le tangible, l’invisible et le visible, les causes et les effets sont liés par ces quatre étapes de transmutation.
Pour un Homme, le Feu représente la sphère de ses croyances et les pensées qui en découlent. L’Air, c’est la sphère de ses sentiments. L’eau représente ses mémoires et ses désirs et la Terre représente son corps physique et ses actes.
Si tu suis ma logique, tu reconnaîtras que la Terre – c’est-à-dire le corps et les actes – réceptionne les informations situées dans l’Eau. L’Eau réceptionne les informations situées dans l’Air et l’Air, celles situées dans le Feu.
Si ton Feu est un petit Feu étouffé de croyances nocives et limitantes, ton Air (tes sentiments) sera pollué. Si ton Air est pollué, il souillera ton Eau (tes mémoires et tes volontés) et si ton Eau est souillée, elle empoisonnera ton corps physique ou initiera des actes nocifs pour ton environnement et tes proches. Étant donné que l’univers possède une loi qui veut que nous récoltions ce que nous semons, tu vivras sur la Terre les conséquences de ce que tu auras semé.
Petite information au passage : nous récupérons les bagages de nos ancêtres, il se peut donc que tu récoltes ce qu’ils ont semé avant toi et que toi-même tu refiles de belles valises bien lourdes à tes descendants.
Une Voie digne de ce nom doit t’enseigner à être un « Maître » des quatre éléments si tu souhaites devenir co-créateur de ta réalité en partenariat avec le grand plan Divin. Elle te fournit alors normalement de quoi t’entraîner à le faire. Elle est également censée t’enseigner les lois de l’univers afin que tu ne les transgresses surtout pas. Une Voie doit te permettre d’unir le Ciel et la Terre dans un alignement parfait. Il est certain que si tu n’as aucune connexion avec ton âme, avec ton essence divine venue briller dans la matière et ce malgré ses appels au service, il se peut qu’à un moment de ta vie, tu sentes une grande incohérence qui te donnera l’impression de vivre à côté de Toi-même.
Sur la base de ces propos, je peux à présent tenter de répondre à ta question. Ta question était : « Quel travail doit-on fournir au niveau du corps et de l’esprit pour entretenir le Feu du Vivant en soi ? ». Pour ne pas créer de confusion avec l’élément Feu dont je viens de parler, je vais remplacer, dans ta question, « Feu du Vivant » par « énergie du vivant » même si indiscutablement, le terme « Feu du vivant » est parfaitement explicite et adapté.
Ma réponse est la suivante :
Le Feu doit être nettoyé de ce qui l’étouffe : des schémas limitants, des croyances nocives, du manque de foi, des dogmes, des doctrines, des influences de tous types, etc… Il doit être nourri par une source riche et abondante de connaissances sur le but de l’existence. Cela peut se faire au contact d’une ancienne tradition par exemple. Il doit être alimenté par le « bon sens », ce fameux sens de la logique et de la cohérence détenu par ceux qui ont une connexion profonde avec la nature, ses cycles et ses lois. Il doit être vivifié par des échanges, des lectures, des sources d’informations enrichissantes, bienveillantes et inspirantes. Il devient le Feu sacré et secret des alchimistes lorsque ton mental cesse de contrôler ta vie et que tu laisses majoritairement ton intuition, tes appels intérieurs et tes vibrations te guider. Dans ce cas, tu bénéficies en effet du meilleur des carburants possibles pour ton véhicule terrestre.
L’Air doit être assaini des sentiments nocifs qui émanent de pensées toxiques, de la haine, de la jalousie, de la culpabilité, du jugement, de l’impatience, du regret, etc… Il doit être purifié par le détachement de l’idée que les gens ou les choses doivent entrer dans « nos cases », c’est-à-dire dans l’idée de ce qu’ils devraient être selon notre conception du monde idéal. Il doit être vivifié par de nobles sentiments exprimés ou reçus.
L’Eau doit être dépolluée des mémoires profondes associées à nos blessures et à nos traumatismes. Elle doit être tempérée afin que nos désirs ne se transforment pas en pulsions incontrôlables ou, au contraire, afin qu’ils ne s’éteignent pas sous l’effet d’un refoulement systématique. Elle doit être canalisée pour alimenter nos actes dans la tempérance et le contrôle.
La Terre doit être travaillée, fouillée, équilibrée, enrichie, aérée. Cela signifie que notre corps physique doit être renforcé et assoupli par un travail intelligent à même de lui permettre de véhiculer harmonieusement l’énergie du vivant qui, précisons-le, adore circuler dans la matière par des voies sinusoïdales ou spiralées lorsque celle-ci est parfaitement organisée en termes d’équilibre. Il doit être épuré des toxines héritées des dissonances existant dans les éléments supérieurs qu’elle réceptionne ou de celles produites par des habitudes nocives qui encrassent l’organisme. Il doit être correctement alimenté par des sources naturelles saines de nourriture, d’air et d’eau. Il doit recevoir des soins et des attentions. Il doit être investi régulièrement par la conscience et sa mobilité doit être parfaitement entretenue.
Le corps, c’est notre véhicule dans la matière. C’est “notre Terre sur la Terre”. C’est grâce à lui que nous posons des actes. C’est donc grâce à lui que nous pouvons finaliser l’œuvre qui nous est confiée en même temps qu’une vie. Une incarnation est une opportunité de découvrir et d’apporter notre lumière sur la Terre, c’est-à-dire permettre à notre essence divine, notre âme, de venir créer, briller dans la matière… C’est là que le travail commence, sur le corps, dans le tangible.
Si nous ne sommes pas maîtres de notre corps, comment l’employer au service de notre âme ? C’est sur Terre, dans la matière que nous sommes venus bosser. Nous devons la maîtriser, maîtriser ces lois. La Terre c’est aussi le monde des actes concrets et symboliques et maîtriser la matière, c’est être capable de « mettre les mains dans la Terre ». On peut avoir de beaux concepts en tête, de bonnes intentions et de beaux sentiments, si nous ne sommes pas capables de mener des actes précis et cohérents pour manifester le résultat de tout cela dans la matière par une absence totale de structure, de maîtrise ou de savoir-faire, nous sommes inutiles à notre essence Divine et par extension, au plan Divin.
Je rejette toutes ces pseudos spiritualités qui abreuvent les gens de beaux concepts dans lesquels ils se réfugient pour fuir les réalités de la matière. On leur parle d’anges, de fées, d’elfes ou d’entités diverses ne faisant pas partie de notre plan matériel sans leur donner les moyens d’en faire quelque chose sur Terre. On les amène à vénérer des divinités qu’on place toujours à l’extérieur d’eux-mêmes. On les amène à consommer du folklore, à échapper à leur problème le temps d’un rituel « entre copines », on leur raconte de belles histoires riches en leçons et en symboles mais leur donne-t-on la possibilité d’en faire l’expérience dans le concret ? Les accompagne-t-on pour que ces enseignements puissent prendre forme dans leur vie quotidienne et contribuer à résoudre les problèmes qui les amènent à vouloir vivre ailleurs que dans leurs baskets trop lourdes ?
À l’heure ou les « chamans » pullulent, envahissant nos communes, organisant des « booms spirituelles », se souvient-on qu’à l’origine, les chamans étaient des sages médiateurs agissant d’abord sur le plan matériel en accord avec les lois de la matière lorsqu’on les sollicitait pour résoudre un problème ? Par exemple, lorsqu’une personne venait les consulter pour un problème d’ordre familial, ils ne l’emmenaient pas systématiquement danser autour d’un feu en jouant du tambour. Ils allaient vivre durant une ou deux semaines chez le demandeur pour comprendre les causes en observant les effets. Bien souvent, leur sagesse et leur bon sens venaient très vite à bout du problème sans qu’ils n’aient à déranger les mondes subtils et lorsqu’un rituel s’imposait, ils le faisaient mais pas sans avoir préalablement invité les participants à mettre de l’ordre dans leur monde matériel. Inutile d’aller chercher un problème dans l’Eau, l’Air ou le Feu si la Terre n’est déjà pas assainie, bêchée et rendue fertile.
Et puisque je suis lancé sur le sujet, j’ai envie de dire : arrêtons de faire chier les mondes subtils si nous ne sommes pas prêts à appliquer leurs enseignements en agissant concrètement dans notre quotidien et à recevoir les recadrages qu’ils nous invitent à mettre en œuvre.
Les mondes supérieurs se foutent de nos sarouels, de nos tapis de yoga, de nos chignons de hippies, de nos cérémonies au tambour et de nos putains de Namaste si nous ne vivons pas par la vertu. La vertu est, pour ces forces, le seul moyen de vivre selon leurs lois. L’acte et le comportement vertueux apportent concrètement la lumière sur la Terre. Porter ne serait-ce qu’une seule vertu dans sa vie est déjà extrêmement lourd. Tu peux invoquer toutes les entités que tu veux, si tu n’es pas vertueux, ta vie dans la matière sera remplie de problèmes. Si tu n’es pas humble, droit, courageux, persévérant, altruiste, généreux, respectueux ou bon tu en paies forcément les conséquences et il y a de fortes chances pour que ta vie soit une vie de merde.
La vertu est le moyen de mettre en œuvre la loi de cause à effet de manière efficace dans une existence. Lorsque j’entends certaines personnes se prétendre spirituelles, lorsque je les entends se plaindre ou que je les vois donner des leçons de vie alors que je constate un désalignement complet entre ce qu’elles prônent et les comportement de connard qu’elles adoptent au quotidien (et au final, dont elles souffrent) je me dis qu’on est encore loin de ce que l’aire du Verseau nous promet.
Comme le disait Coluche : « Je m’excuse mais MERDE ! Je m’excuse ».
Voilà ma réponse à ta question à travers le prisme de ma Voie. Elle ouvre les portes vers ce qui nous anime tous les deux, le travail avec l’énergie. Qu’as-tu à me dire sur le sujet ? Je t’ai entendue plusieurs fois évoquer « la pensée forte », ce que tu nommes « koshi shinan » il me semble… Peux-tu m’en parler ?
Le nettoyage et l’éveil du Koshi Shinan
MACHETTE : En posant un acte aligné sur une intention forte nourrie d’une puissante volonté et d’un puissant sentiment, nous semons une graine pleine de vie qui deviendra un arbre dont nous récolterons les fruits. Il est donc crucial d’être vigilant en ce qui concerne nos pensées, les sentiments que nous leur associons, les désirs que nous nourrissons et les actes que nous posons au bout de la chaîne. Je te cite.
Tu me demandes ce que c’est le koshi shinan ? Avec ces phrases, tu viens de mettre le doigt dessus, mec. Mais avant d’aborder plus en détails les tenants et aboutissants de ce terme shipibo, qui en effet signifie littéralement « forte-pensée » (que par soucis de clarté je traduirais à l’occidentale par « énergie du cœur », la notion de « pensée » étant très différente chez les Shipibo), j’aimerais disséquer un point de l’équation qui se situe bien avant le processus que tu décris dans les phrases que j’ai citées, et dont tu fais d’ailleurs largement mention dans tes explications autour des quatre éléments…
Ce point, c’est le nettoyage.
C’est dingue de voir à quel point le nettoyage est crucial dans le chamanisme shipibo – on pourrait même dire qu’il tourne presque exclusivement autour de ça – alors qu’il est quasiment absent du « chamanisme » version gringo. Pourtant, c’est une question de logique, pas vrai ? Comment accueillir en soi de nouvelles énergies quand on est déjà complètement encrassé par les vieilles ? Je veux dire, c’est comme un putain de lavabo. Tu peux faire couler dedans autant d’eau fraîche que tu veux, si le siphon est bouché, aucune chance que l’eau descende dans le tuyau.
Dans le chamanisme que je pratique, il y a des plantes, des rituels et des techniques pour venir concrètement à bout de ce qui nous pollue. Et l’intérêt majeur de cette fusion dont je parlais plus haut, c’est que l’application convenable de ces méthodes permet de travailler sur plusieurs plans de l’individu à la fois, c’est-à-dire qu’elles permettent un nettoyage du corps physique, un lavage des émotions, une purification du mental, et même une sanctification du plan spirituel. C’est un processus tout à fait alchimique opérant sur la totalité de l’Être, ce qui selon moi place cette médecine amazonienne bien au-delà de la médecine classique qu’on a en Occident.
Ça peut paraître extrême comme cas de figure, mais prenons l’exemple de la toxicomanie. En France, on fout le toxico dans une clinique déshumanisée, on le gave de médocs parfois encore pires que la substance dont il cherche à se désintoxiquer (et desquels il lui sera quasiment impossible de se défaire par la suite), et on lui colle quelques séances de thérapie qui ne vont pas creuser bien loin en espérant rendre à la société un membre « sain » et surtout productif. Hormis la vague psychothérapie, n’est-il pas évident qu’on ne s’attaque ici qu’aux symptômes ?
Chez les chamans amazoniens, c’est très différent. Eux, c’est l’esprit de la maladie qu’ils cherchent à démanteler.
L’esprit de la maladie, voilà ce sur quoi ces mecs-là taffent véritablement. Ils ne luttent pas contre les manifestations de la maladie, car toute maladie, qu’elle soit physique ou psychique, porte en elle un message, et c’est ce message qu’ils s’attachent à écouter, à traduire. En définitive, c’est la racine spirituelle de la maladie qui les intéresse. C’est ça qu’il faut pouvoir atteindre afin de réellement guérir. Et c’est là que le nettoyage intervient.
Avec des plantes purgatives, drainantes, vomitives, des fumigations, voire même des inhalations parfaitement atroces qui te brûlent jusqu’au cerveau (hello l’Ajo Sacha !), sans parler des restrictions alimentaires et comportementales sévères à l’extrême, ces Hommes sont capables d’atteindre et de purifier toutes les parcelles de ton être, les différents corps qui constituent réellement l’être humain, au-delà du visible, et donc de creuser, libérer, mais aussi rectifier et redresser l’essence d’un individu.
On pourrait croire que ces méthodes se limitent au corps physique, vomir, chier, transpirer. Mais ce serait passer complètement à côté de la véritable nature des plantes maîtresses utilisées dans ces procédés, qui possèdent un pouvoir qui s’étend bien au-delà de leur pur aspect médicinal. Car elles aussi possèdent plusieurs plans. C’est un truc sur lequel on reviendra, mais j’aimerais juste attirer l’attention de nos lecteurs sur un point : quand vous sniffez des huiles essentielles ou prenez des gouttes de Fleurs de Bach, comment expliquez-vous que ces remèdes soient capables d’agir sur la sphère de vos émotions, hum ?
Bref, c’est comme ça que les chamans touchent à l’esprit de la maladie, en remontant du corps physique jusqu’au corps spirituel, et opèrent des guérisons « miraculeuses ». Sans compter, évidemment, l’implication du patient qui, notamment grâce aux plantes psychotropes comme l’Ayahuasca, va pouvoir devenir réellement acteur de sa guérison, en éveillant le pouvoir curatif de sa propre conscience sur elle-même, tout en VOYANT, grâce à l’aspect visionnaire de la transe, le travail des guérisseurs, ce qui renforce sa foi dans sa santé future…
Et donc, pour continuer sur ma lancée, quand ces mecs-là décident de guérir un toxicomane et de le désintoxiquer pour de bon, c’est sur l’ensemble de ces niveaux qu’ils vont agir. Physique, émotionnel, mental, spirituel, et même ancestral…
Ici, on parle déjà de travail avec l’énergie, mais d’une façon infiniment plus concrète que toutes les conneries de thérapies New Age qu’on nous vend en Occident. En Amazonie, pour faire simple, le corps est réellement considéré comme lié à l’esprit, car ils ne sont au fond qu’une seule et même chose, donc travailler sur l’un, c’est travailler sur l’autre, et je suis tout à fait persuadée qu’il en est de même avec les Arts Martiaux.
Le meilleur exemple que je puisse donner est celui de l’Ayahuasca. Durant une cérémonie, si t’es mal dans ta tête, dans tes émotions, tu vas vomir ou avoir la diarrhée. Et une fois le problème évacué, ton mental ou ton cœur sera immédiatement apaisé. Naturellement, c’est une tâche qui revient souvent, le nettoyage. On ne peut jamais dire que c’est fait une bonne fois pour toutes. Mais il n’empêche que c’est seulement après ça qu’on peut commencer à parler d’accueillir les bonnes énergies.
Et donc, revenir au fameux koshi shinan. L’éveil de la pensée-forte, l’énergie du cœur.
A la base du koshi shinan, il y a la notion de concentration.
Cette concentration implique ce que tu as commencé à évoquer : une vigilance permanente envers soi-même. Envers ses émotions. Ses pensées. Ses sensations. Envers l’énergie qu’on laisse entrer et stationner en soi, la sienne et celle des autres, ou encore celle d’une situation ou d’un événement. L’énergie qu’on combat, celle qu’on nourrit, celle qu’on refoule, celle qu’on embrasse…
D’une manière générale, les Shipibo trouvent que nous, les Gringos, on manque foutrement de concentration. Et il suffit de regarder une minute en soi pour voir à quel point c’est vrai : avec un mental surpuissant aux commandes, qui, va savoir pourquoi, a clairement des tendances de drama-queen ridiculement paranoïaque, autant dire que c’est le bad trip total là-dedans, et qu’on passe finalement bien peu de temps dans le présent. Partir de cet état de faits en espérant se relier au Soi afin d’émettre des intentions chargées de sens et de pouvoir, je sais pas toi, mais moi ça m’apparaît tout de suite comme peine perdue.
Donc les Shipibo vont te filer une plante pour éradiquer le mental et qu’il te laisse souffler un peu. Après quelques jours de calme salvateur, durant lesquels tu seras entré en contact avec une partie de toi bien plus peace et bien plus sage que cet idiot d’ego qui n’est lui-même qu’un TRAUMATISME SUR PATTES qui ne sait que bavasser en répétant indéfiniment les mêmes conneries en entrainant tes sentiments dans la spirale délétère de sa mortification, quelques jours en contact direct avec ton véritable esprit, donc, il te sera beaucoup plus facile d’identifier les tentatives de comeback du mental. Et de le voir pour ce qu’il est. Sans te laisser agripper et hypnotiser par les histoires toxiques qu’il te raconte…
A partir de là, tu disposes de deux éléments clés pour entrer dans la concentration : tu connais la paix de l’esprit et tu sais qu’elle est délicieuse. Et tu reconnais les manifestations nocives de l’ego qui s’exprime par ton mental. Et tu sais qu’elles sont dégueulasses.
Maintenant, c’est à toi de choisir l’énergie que tu souhaites nourrir en toi. Et si t’es pas trop con, tu vas donc aussi entrer dans la vigilance.
Et crois-moi, c’est loin d’être un combat facile, d’autant plus qu’il faut prendre garde à ne pas lutter trop frénétiquement non plus, au risque de refiler ton énergie au mal que tu cherches à fuir… C’est un travail d’orfèvre, mais c’est le prix à payer pour apprendre à vivre en paix avec soi-même, pas vrai ?
Le truc intéressant aussi, c’est que cette concentration et cette vigilance vont te permettre de prendre conscience de toutes les autres énergies aussi. Pas seulement les tiennes. Celle des gens que tu croises. Celle de la nourriture que tu bouffes. Celle de tes rêves, de tes intuitions. Celle des émotions qui tourbillonnent en toi. Mais aussi celle de la Nature, très présente quand t’es en pleine jungle à diéter, évidemment.
Précisons tout de même que dans ce contexte, justement, tu as beaucoup moins d’énergies néfastes à combattre, étant donné que tu passes la majorité de ton temps isolé, à manger sain, à te nettoyer… C’est une chance incroyable de saisir l’opportunité d’analyser les énergies qui naissent de toi, et de choisir d’alimenter celles qui te font du bien. De retour dans le monde ordinaire, l’habitude aura été prise de rester fortement connecté à elles. Ça te fait comme un bouclier qui repousse tout seul les attaques de l’abîme. Et ça, ces énergies vivantes et belles que tu nourris en toi, c’est un début d’éveil du koshi shinan.
Le koshi shinan est une force qui s’élève depuis ton bas-ventre, qui pour les Shipibo, est le centre de l’Homme. Elle monte en grandissant vers ton cœur, répandant sa lumière, puis s’étend jusqu’à tes épaules, ta tête, avant de s’expulser dans le monde. Sans elle, aucune intention forte ne peut être émise. Ça sert à rien de demander des conneries à l’univers si t’es pas relié à elle. Si t’as pas fait l’effort de te nettoyer, de te concentrer, de te relier à la lumière, avant de demander. Parce que la vibration de l’univers, c’est la même que celle du cœur. Y a qu’avec celle-là qu’elle pourra résonner, et te renvoyer son écho.
A la base, il y a donc une force, une énergie. Celle du cœur et des tripes. Puis la volonté, qui s’exprime par l’effort de vigilance et de concentration. Et enfin, il y a l’acte d’émettre ton intention, ta pensée-forte.
Voilà le pouvoir du koshi shinan.
Voilà le véritable pouvoir de l’être humain.
Maintenant que tout ça est posé, j’aimerais qu’on entre de plein fouet dans l’aspect profondément alchimique de nos disciplines. La façon dont les Arts Martiaux et le Chamanisme permettent à l’Homme de relier son cosmos intérieur à l’univers. Comment ils vont lui permettre de se connecter à la partie de lui-même qui parle le même langage que la Nature : le Soi. Et enfin, les manières extrêmement concrètes qu’ils offrent de transformer ses ombres en lumière… A toi de jouer, Sabre.
L’Alchimie dans la Voie du Guerrier
SABRE : OK ! J’aimerais pour cela rebondir sur cette question du nettoyage car, par définition, le nettoyage est le processus qui te permet de dégager une matière de ses impuretés. Une purification en somme. Toutes les Voies alchimiques contiennent inévitablement une phase de ce type.
Avant d’aller plus loin, rappelons que le terme « Alchimie » provient de l’arabe Al-Kimiya composé de deux clés : Al qui signifie « Dieu » et Kimiya signifiant « terre noire » et faisant référence aux terres alluvionnaires d’Égypte. Faut-il comprendre par là que l’alchimie serait née en Égypte et qu’elle serait destinée à révéler comment trouver Dieu ou du moins l’or qui symbolise sa lumière éternelle dans le minerai issu de ces terres ? Peut-être mais pour les initiés, Al-Kimiya signifie avant tout « la lumière dans les ténèbres » ou encore « l’âme dans la matière ». Certains disent que par « ténèbres » il faut entendre « l’inconscient biologique » dans lequel la lumière de l’âme serait dissimulée, bien que le terme « voilée » soit plus approprié en alchimie.
On peut définir l’alchimie comme l’art des transmutations. On dit qu’elle a pour objectif de transmuter « le plomb en or ». Il faut comprendre par là que l’alchimie consiste à comprendre et à reproduire les étapes d’un processus évolutif naturel destiné à révéler la lumière qu’il y a dans la matière. Ainsi pratiquer l’alchimie, c’est chercher à purifier une matière étape par étape pour finalement y trouver l’essence divine. Le nettoyage est donc au premier plan.
La quête de l’alchimiste est la réalisation de la Pierre Philosophale : un catalyseur, un agent actif porteur de vie qui aurait justement la particularité d’accélérer la purification de la matière et qui constituerait également la panacée ou la médecine universelle. Cette entreprise s’appelle « le Grand Œuvre ».
Si l’on décode un peu le terme « Pierre Philosophale », nous avons d’un côté une pierre qui représente une matière fixe et de l’autre côté ce terme élaboré par Pythagore, « Philosophale », qui signifie « amour de la sagesse » et qui nous renvoie à quelque chose de volatil.
La sagesse, c’est l’art de vivre en harmonie avec les lois de l’univers. La Pierre Philosophale ne serait-elle pas la capacité de purifier notre matière, c’est-à-dire notre corps par un art de vivre en conformité avec la nature qui est l’expression de Dieu sur la Terre et de ce fait, avec notre nature également puisque nous sommes d’essence divine ?
Tout en alchimie n’est qu’une question de lecture et d’interprétation des symboles et des termes.
L’alchimie comprend plusieurs Voies. Celle qui nous vient immédiatement à l’esprit est la Voie occidentale classique qui consiste à purifier les métaux mais il existe également d’autres types de travaux opératifs (avec les végétaux par exemple). Les longues études, les recherches, les expérimentations répétées, les invitations à considérer son propre état de centrage, de neutralité ou de pureté intérieure comme déterminant pour parvenir à purifier une matière minérale, métallique ou végétale ont, dit-on, la capacité d’agir parallèlement sur les dimensions internes de l’opérateur. En d’autres termes, accomplir une œuvre de purification ou de rectification d’une matière, a, selon les alchimistes occidentaux, le pouvoir de le faire également dans les dimensions subtiles ou énergétiques de nous-même.
La maxime des alchimistes est « SOLVE ET COAGULA », que l’on peut traduire par « dissolution et coagulation (ou condensation) ». Elle décrit à elle seule ce que l’on nomme le Grand Œuvre : dissoudre la matière et fixer l’esprit. Cette maxime exprime la loi absolue à laquelle tout est soumis dans l’univers : cette loi que les Chinois représentent par le biais du fameux symbole YIN YANG.
En alchimie opérative, SOLVE, la phase de dissolution, implique forcément une épuration puisqu’on y soumet la matière dense et grossière au feu afin que le subtil se dégage de l’épais. Ce qui s’évapore retombe, sublimé par sa rencontre avec l’Esprit.
Tout dans la nature se transmute constamment sous l’influence du principe universel SOLVE ET COAGULA. Notre métabolisme en est l’expression pure puisque c’est parce que nos anciennes cellules sont rejetées vers la surface de notre corps qu’elles peuvent être remplacées par de nouvelles. Qu’est-ce qui assure ce processus de renouvellement ? La respiration ! L’expiration pousse les anciennes cellules vers la surface de notre corps tandis que l’inspiration charge les nouvelles vers la profondeur. Il y a bien un nettoyage dans ce processus ! On ne peut pas accueillir du nouveau en soi sans s’être d’abord purifié de ce qui n’est plus nécessaire.
Les anciens célébraient cette intelligence de la nature par des fêtes qui marquaient l’entrée ou la sortie des grands temps de nettoyage ou de renouveau. Ils accompagnaient les cycles de déclin, de mort, de renaissance et d’apogée nécessaires à la constante transmutation. Ils savaient qu’à certaines périodes de l’année il fallait savoir laisser mourir ce qui, selon la volonté de l’époque et pour notre évolution, devait laisser la place au nouveau.
Bon, je pense que ma démonstration est suffisante, inutile d’être encore plus lourd, tout le monde a, je l’espère, compris qu’un processus alchimique implique DES phases de nettoyage.
Les arts martiaux chinois sont nés dans les temples bouddhistes et taoïstes. Ils faisaient partie intégrante des méthodes constituant une Voie alchimique nommée « Voie royale ». Cette Voie avait la particularité de proposer un travail non pas sur une matière extérieure, mais directement sur l’Être dans toutes ses dimensions : corps, esprit, âme. Leur pratique n’était pas dissociée de celle d’autres grandes disciplines indispensables avec lesquelles ils formaient un tout au service de la culture de l’énergie vitale, le fameux QI.
Toutes ces disciplines étaient logiquement liées les unes aux autres par le simple fait qu’elles tournaient autour de la volonté d’étudier le vivant et la façon dont il est distribué dans l’univers. Bien entendu, ces études impliquaient la mise en place d’un art de vivre afin que l’existence puisse accompagner les lois permettant l’abondante circulation de la vie entre « le Ciel et la Terre ».
Le rôle spécifique des arts martiaux au sein de cet ensemble était de fournir une méthode de mise en résonance de l’Être avec ces lois et ce, spécifiquement au niveau du corps physique. L’objectif de leur élaboration était de donner les moyens à l’intention d’activer une grande quantité d’énergie, au souffle de l’exprimer et aux mouvements du corps physique d’être à même de la véhiculer afin qu’elle nettoie et vivifie la matière (oui, encore une fois, le nettoyage fait office de maître-mot). C’est pour cela que les arts martiaux chinois imposent une gestuelle si distinctive.
La manière d’utiliser le corps pour produire des techniques martiales est construite sur la volonté de distribuer de l’énergie à partir de différents centres de production/d’émission et de parcourir un réseau de canaux précis à travers notre chair. Si l’intention martiale a le pouvoir de mettre une abondante énergie en réseau, le mouvement, lui, se doit d’être parfaitement maîtrisé afin de faire de cette énergie une médecine personnelle et non un outil de destruction de l’autre.
Au sein de cette Voie, le combat symbolise la vie en perpétuel mouvement. L’adversaire, lui, représente notre petit moi qui s’évertue à nous empêcher d’être en paix. Ce petit moi rempli de peurs est créateur des situations les plus inconfortables pour notre paix. Nous devons apprendre à l’affronter afin de le maîtriser, c’est là tout le sens de l’entraînement. Cet entraînement va se focaliser sur la capacité à ne pas subir l’agitation de l’adversaire et la seule façon d’y parvenir est de ne pas entrer en lutte contre lui mais en harmonie avec la vie et son mouvement constant.
Ce que je souhaite ici mettre en évidence, c’est que dans la Voie martiale, nous devons travailler sur deux plans :
– Un plan personnel qui nous amènera à devenir un canal de vie par le mouvement et l’intention dans le respect des lois universelles.
– Un plan relationnel qui nous amènera à rechercher perpétuellement l’harmonie au cœur de la tempête.
Ces deux domaines d’investigation nous offriront les conditions optimales pour cheminer vers le Soi :
– La recherche d’unité, que cela soit à travers celle de l’unité corporelle, de l’unité corps-souffle-esprit, ou encore de l’unité avec l’adversaire.
– La nécessité de la vacuité afin que le petit moi ne vienne pas parasiter la libre circulation de la vie en soi et dans le flux des échanges sans opposition de forces recherchés avec l’adversaire.
– La poursuite incessante de l’harmonie, de la voie juste, de l’équilibre en toute chose au sein du mouvement personnel ou du combat, tous deux symbolisant le mouvement éternel de la vie.
– L’immersion obligatoire dans le moment présent car sans cette immersion tu perds le contact avec le vivant et tu approches les choses sans t’y connecter. Dans le combat, ceci est gage de défaite assurée.
Il est intéressant également de savoir que l’idéogramme chinois utilisé pour signifier la guerre dans la composition des symboles choisis pour désigner les arts martiaux est composé de deux clés : l’une d’elles représente les armes et l’autre, la mise à l’arrêt. « Stopper l’usage des armes » : il faut comprendre par là que dans un monde où une chose n’existe que parce qu’il existe son contraire, la guerre, selon la pensée unificatrice chinoise, était vue comme un moyen de faire exister la paix.
Nous-même en Occident, nous étions très au fait de ce principe. En témoigne la locution latine « Si vis pacem, para bellum ». Ce qui est suggéré, du côté chinois des choses, c’est qu’en rencontrant ce qui t’agite, en l’étudiant, en t’entraînant régulièrement à le côtoyer dans un cadre précis, tu peux être à même de le découvrir sous des aspects insoupçonnés. Tu peux le destituer peu à peu de son pouvoir et lui attribuer la faculté de te rendre plus en paix, plus en santé.
Voilà plusieurs éléments à même de constituer une réponse à ton invitation à expliquer en quoi nos Voies sont alchimiques et en quoi elles nous permettent de cheminer vers le Soi. La Voie Martiale ne peut te le proposer que si c’est ce que tu cherches à travers elle. Sinon, elle t’emmènera vers tout le contraire. Elle détruira ton corps et causera ta souffrance en nourrissant le petit moi avide de reconnaissance, de pouvoir et d’illusion de force.
Le monde spirituel moderne et la proposition des Guerriers
MACHETTE : Ce qu’il y a de fabuleux avec ta réponse, c’est qu’elle expose d’une manière extrêmement nette ce qui relie nos deux arts, et esquisse le croquis des défis majeurs auxquels sera confrontée toute personne souhaitant s’engager dans la Voie du Guerrier, tout en dévoilant au passage aux lecteurs la raison fondamentale pour laquelle toi et moi on a décidé de s’allier… et, accessoirement, créer ensemble Sabre & Machette – ce qui (je me permets de le rappeler étant donné que l’un comme l’autre on a eu légèrement tendance à partir dans tous les sens avec cet échange) est finalement le thème primordial de ce foisonnant dialogue !
La recherche d’unité.
La nécessité de la vacuité.
La poursuite de l’harmonie.
L’immersion dans le moment présent.
Merde, t’es capable d’en pondre à la demande, des résumés aussi précis ? Voilà ce que le Chamanisme et les Arts Martiaux requièrent, impliquent et surtout promettent, point barre !
Je pourrais ajouter un tas de trucs à cul de ce que t’as dit histoire d’étayer pourquoi la pratique de la medicina est une Voie alchimique, mais c’est un thème qui fera l’objet de larges développements ultérieurs, et je tiens pas à gâcher le plaisir des lecteurs. Au lieu de ça, j’aimerais donc tenter d’apporter un semblant de conclusion à notre débat en reciblant le propos.
Toi et moi, on s’est rencontrés sur la base d’un constat identique. Pour la faire courte : l’Homme est devenu un lamentable robot-zombie gouverné corps et âme par une pute de Machine qui lui a sucé tout son pouvoir personnel. Pourtant, il gronde encore en lui un violent instinct de révolte, attisé par un sombre et surtout légitime désir de liberté. En quête d’une Voie d’éveil, il se tourne vers ce qu’il peut, Arts Martiaux et Chamanisme par exemple, en espérant que ces traditions anciennes lui donneront quelques clés pour s’échapper (et surtout se retrouver). Or, même les disciplines les plus vieilles et les plus sacrées ont été travesties, dénaturées et vidées de leur essence en vertu du business spirituel dont est friande cette salope de Machine.
Et c’est ici que Sabre & Machette entre en scène.
L’idée est simple : Deux psychopathes de la droiture décident d’allier leur connaissances, leurs arts et leurs plumes afin de proposer un échange entre philosophie martiale et chamanique.
A qui on s’adresse ? Eh bien, aux Guerriers spirituels qui ne se reconnaissent évidemment pas dans la société moderne, ni dans les alternatives niaises, vides et passe-partout qu’on leur vend comme Voie d’éveil. Et qui désirent du fond de leurs tripes s’engager dans une quête initiatique de connaissance de soi.
Notre intention est de ramener les Guerriers égarés dans la Voie avec du concret, du solide, de l’authentique issu de notre expérience, tant au niveau pratique que philosophique, pour qu’ils puissent taffer sur la totalité d’eux-mêmes et redevenir les Êtres humains libres, sauvages et en pleine santé (on dirait une pub pour Royal Canin !) qu’ils auraient toujours dû rester.
Mais puisque j’aime pas faire comme tout le monde, je me dis que je vais poser mon trigger warning à la fin. Si les Arts Martiaux et le Chamanisme constituent une quête, c’est parce qu’ils impliquent des trucs qui feraient chier dans leur froc le commun des mortels. Ça tombe bien, nous, c’est plutôt à la partie immortelle de votre âme qu’on s’adresse…
Voici donc mon ultime mise en garde :
Ceux qui tremblent, il est encore temps de reculer ; cliquez sur la croix de votre écran, quittez cette page et oubliez tout ce que vous avez entendu.
Les autres, ceux que cette liste fait méchamment saliver… Bienvenue sur Sabre & Machette, mes Guerriers !
ATTENTION, LE MÉDIA QUE VOUS VOUS APPRÊTEZ À CONSULTER RISQUE DE VOUS INCITER À :
- Creuser en vous pour déterrer votre vérité
- Vivre des expériences confrontantes
- Connaître des épreuves dangereuses et des initiations éprouvantes
- Prendre du temps pour vous et faire appel à de la dévotion, de la volonté et de l’abnégation
- Éveiller la force de votre cœur
- Apprendre à donner du pouvoir à vos intentions
- Engager la totalité de votre corps et de votre esprit dans vos entreprises
- Vous défaire de tous vos conditionnements
- Incorporer la connaissance par la voie de l’expérience directe
- Entrer dans le processus de transmutation
- Rencontrer la partie immortelle de vous-même
- Faire du reste de vos jours la quête universelle de la liberté…
SABRE : Un immense sourire s’affiche sur mon visage à la lecture de tes mots car ils ne dissimulent rien de nos intentions. Effectivement, nous nous adressons à un public précis et nous le faisons avec la violente authenticité qui naît de notre ras le cul des enrobages mielleux au contenu creux et lissé. Nos traditions ont été salies, vidées, instagramées pour devenir des produits commerciaux facilement consommables. Nous entendons sauvegarder des connaissances et des méthodes qui dérangent parce qu’elles ne sont pas issues d’un monde dans lequel paraître, être populaire et se faire du fric étaient gages d’accomplissement.
Non, nous proposons un travail et nos outils pour le faire.
Nos outils sont de très vieux outils bien rustiques… Ils ne conviendront pas à tous mais nous n’entendons pas nous adresser aux masses. Nous nous adressons à ceux qui crèvent de désir de relever le niveau d’une humanité agonisante d’avoir perdu ses liens avec le vivant et le sacré.